vendredi 28 mars 2008

080328 Le Monde du 23/03/2008

Une nouvelle enquête atteste de la baisse du niveau des élèves en fin de CM2
Un article de Luc Cédelle
Le Monde du 23 mars 2008 >>>


Nouvel élément à l'appui de la "baisse du niveau" scolaire : qu'il s'agisse de la lecture, du calcul ou plus encore de l'orthographe, une "note d'alerte" , émanant des services statistiques du ministère de l'éducation et dont Le Monde a pu prendre connaissance, conclut à une baisse importante des performances des élèves en fin de CM2 entre 1987 et 2007.

La direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) a tenté de "mesurer objectivement l'évolution des compétences des élèves" à vingt ans d'intervalle. Pour cela, elle a repris à l'identique en 2007 et auprès d'un nouvel échantillon d'élèves de fin de CM2 une enquête "Lire, écrire, compter" menée en 1987. Les élèves ont été soumis à des épreuves de lecture (compréhension de huit textes courts et variés), de calcul (portant sur les quatre opérations) et d'orthographe (une dictée d'une dizaine de lignes assortie de questions).

Synthétisés dans la "note d'alerte", les premiers résultats de cette reprise comparative montrent que la baisse des performances est la plus marquée en orthographe. Sur une dictée de 85 mots, la proportion d'élèves faisant plus de 15 erreurs, qui était de 26 % en 1987, est passée à 46 % en 2007. Ce sont principalement les erreurs grammaticales qui ont augmenté, passant de 7 en moyenne en 1987 à 11 en 2007. Ainsi, alors que 87 % des élèves écrivaient correctement "tombait" dans la phrase "le soir tombait", ils ne sont plus que 63 % en 2007. Alors que 61 % des élèves orthographiaient correctement le mot "certainement" en 1987, ils ne sont plus que 50 % en 2007. En revanche, sur des conjugaisons difficiles pour les élèves de CM2, comme l'accord du participe passé avec l'auxiliaire avoir, le pourcentage de réussite n'évolue pratiquement pas : en 1987, seulement 32 % des élèves, écrivaient correctement "vus" dans la phrase "elle les a peut-être vus" ; en 2007, ils sont 29 %.

Ces résultats recoupent ceux d'une autre étude comparative, publiée en 2007 par Danièle Manesse et Danièle Cogis (Orthographe : à qui la faute ?, éditions ESF). Ces universitaires, en reprenant à l'identique une précédente enquête de 1987, avaient établi qu'en vingt ans le niveau orthographique avait pris un retard de deux années scolaires : les performances en orthographe grammaticale d'une classe de cinquième de 2005 étaient celles d'une classe de CM2 de 1987.

En calcul, les résultats sont négatifs mais comportent des subtilités qui restent à interpréter, en particulier sur le caractère irrégulier dans le temps de la baisse des performances. Grâce à des résultats intermédiaires collectés en 1999, la note de la DEPP constate une "baisse importante" des performances entre 1987 et 1999, suivie d'une "légère baisse", qualifiée de "peu significative", jusqu'en 2007. "Ce redressement, commente la note, est peut-être à mettre au compte de la remise à l'ordre du jour du calcul depuis 2002 avec, en particulier, l'accent mis sur le calcul mental et l'apprentissage des techniques opératoires."

En lecture, des résultats intermédiaires sont également disponibles puisque ce volet de l'enquête de 1987 avait fait l'objet d'une reprise en 1997. La note indique que les résultats en compréhension de l'écrit sont "stables de 1987 à 1997". "En revanche, on observe une baisse significative du score moyen entre 1997 et 2007.. Cette baisse est plus marquée pour les élèves les plus faibles : 21 % des élèves se situent en 2007 au niveau des 10 % d'élèves les plus faibles de 1987.

Cette enquête apporte de l'eau au moulin du ministre de l'éducation, Xavier Darcos, qui motive sa réforme du primaire par la nécessité urgente de redresser les performances. Toutefois, le détail des résultats et leur évolutions dans le temps ne semblent pas mettre directement en cause les programmes du primaire de 2002, que M. Darcos est en train de remplacer par de nouveaux textes. Par ailleurs, les résultats en compréhension de l'écrit, "stables" jusqu'en 1997, semblent déconnectés de la question des méthodes d'apprentissage de la lecture. En particulier, ils ne permettent pas en eux-mêmes d'attribuer la baisse ultérieure à 1997 aux méthodes "globales ou semi-globales", montrées du doigt par le précédent ministre, Gilles de Robien, mais qui étaient beaucoup plus en vogue dans les années 1980.